La prime à l’emmerdeur.

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais, quant à nos affections, il y a une certaine prime à l’emmerdeur. Il ne passe pas inaperçu, et même si l’on est toujours prêt à être agacé, voire énervé, l’emmerdeur ne laisse pas indifférent.

Florette est morte. Elle s’est éteinte doucement, elle a beaucoup ronronné la tête posée sur ma paume, et a profité d’un instant d’absence pour rendre son âme légère à Bastet.

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Ci-dessous, une sculpture égyptienne antique que j’aurais bien vu faite par ma mère qui était sculpteur…

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Et une momie, car les chats aussi avaient droit à la Vie Eternelle

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Je ne rappelle même pas d’où venait Florette : période Posidonia ? Période Chroussa, mais avant la mode de l’amputation du bout d’oreille gauche pour bien marquer le coup « stray cat », condition sine qua non pour avoir une stérilisation à 50 euros et pas à 100, voire plus ? C’était une très très jolie chatte : un joli gris avec des mèches un peu rose (sisi !), angora, toujours bien soignée, charmante. Elle a toujours été très maigre, et vivait et mangeait plutôt dehors, avec les chats-du-dehors. Elle n’a jamais été malade. Elle ne s’est jamais blessée. Pas de miaulements déchirants, pas de bêtises à la chaîne. Jamais aucune dispute territoriale. Tranquille, discrète. Et le petit truc qui me faisait craquer : dès qu’elle me voyait, elle se laissait tomber par terre et me donnait son joli ventre doux à caresser.

Je voulais faire un petit texte sur elle, et donc j’ai cherché des photos… Bon, il faut avouer que j’en ai des centaines, voire des milliers, et que ça fait un certain temps que je procrastine devant la tâche de les trier. Mais, au cours de cette recherche, je n’ai trouvé de « bonnes » photos que celles prises par une amie de passage, intitulées « Florette et François ».

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Je suis certaine que dans mon foutoir d’images, il y en a d’autres, mais probablement pas assez nombreuses pour qu’un visionnage rapide les repère. Des photos de Petit Nouveau, aucun problème par contre.

Et puis j’ai pensé à ces familles nombreuses avec le petit dernier chouchou, ces enfants dont un frère ou une sœur est handicapé et qui monopolise toute l’attention, ces groupes de gens qu’on croise et dont on ne retient que le doux dingue ou l’artiste déjanté. Avec mes 100 chats, comment être équanime ? Ceux qui me retiennent, parce qu’ils me prennent plus de temps que les autres, ce sont ceux qui justement sont hors normes, quelles qu’elles soient. Le petit malade, le râleur aux dents pourries, Zozéfine, Bizule, Bibu, Loulou, Petit Nouveau…

Vous ai-je jamais parlé de Mikri par exemple ? Non, probablement pas. Et pourtant c’est une chouette chatte. Elle, je sais qu’elle « date » de Posidonia. C’est une rouquine et blanche aux poils courts, trapue, aux yeux qui ont quelque chose de douloureux dans le regard. Elle non plus, jamais malade, rarement ici, discrète, qui vient tous les 3 ou 4 jours manger, mais sans hâte. Et puis elle repart. Je crois avoir deviné qu’elle vit vers le verger de mon proprio, mais quand j’y vais cueillir des citrons, elle ne vient jamais me saluer. Elle est gentille, mais je ne saurais pas en dire grand-chose d’autre. Et comme par hasard, j’ai bien quelques photos, mais peu.

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Et Lili ? C’est également une rouquine et blanche à poils ras, une vraie battante, elle aussi vient manger de temps en temps, mais elle, elle baffre, elle râle, elle agresse, difficile à caresser, et quand elle en veut, des caresses, elle devient très insistante. Elle a un sacré caractère, mais bon, que dire d’autre ? Je n’ai aucune idée de son territoire. J’ai quelques photos, rien de chouette.

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Ci-dessous, un petit trio de roux et blancs en train de manger : les chats se rangent par couleur non seulement pour dormir, mais aussi pour manger !! Au premier plan, Lili :

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Et quand ces chats pas emmerdeurs, ces chats qui ne posent pas de problème ou qui vivent leur vie de manière indépendante viennent mourir la tête posée sur votre paume, le sentiment de culpabilité est terrible. Je me demande si je m’en suis assez occupée, si j’ai bien fait mon boulot, s’ils ont été heureux, si je les ai assez caressés, chouchoutés, je m’en veux de ne pas leur avoir assez parlé, donné de gâteries, pas assez dit, montré que je les aimais. Bien sûr, me direz-vous, tu as fait au mieux. Oui oui, je sais.

Mais bon, c’est quand même la prime à l’emmerdeur…

12 thoughts on “La prime à l’emmerdeur.

  1. Juste dire que je pense à toi… très fort. Et aussi que je suis sûre d’une chose : les chats te sont reconnaissants… ce sont des animaux discrets, leur reconnaissance aussi. ;o)

    • il y a quelque chose comme de la reconnaissance, c’est vrai : le BBB gris de l’autre jour, que j’ai amené d’urgence chez le véto car il semblait avoir été empoisonné, d’une attitude sympa mais distante avant, il est passé à une attitude vraiment affectueuse, familière. on dirait qu’il a compris.

      à part ça, justement tous les chats ne sont pas discrets, et ce sont ceux qui justement qui ne le sont pas qui retiennent mon attention. pas mon affection plus particulièrement, mais mon attention. que c’est difficile de trouver la bonne attitude ! et donc toi aussi tu vas devoir trouver la juste attention !!!

  2. certains animaux n’aiment pas être gratouillés en permanence :)
    pour moi, avant de mourir, elle est venue remercier la main qui l’a nourrie pour que tu ne la cherches pas, que tu saches tout simplement , c’est un beau cadeau….
    je resterai toujours émue à la pensée de ma petite chatte Léa, qui a été à mes côtés durant toutes mes années de galère, 18 années de présence discrète, amicale, et exclusive :), et qui a décidé (?) de ne pas m’accompagner dans mon déménagement, trop surhumain pour elle (?), une autre vie pour moi ; avait-elle sentie le départ ? sans doute, en 2 mois ses reins se sont bloqués, incurables, je l’ai menée pour la dernière fois chez le véto le jour de mon départ….

    • oh compu, je t’imagine le jour de ton départ, prise entre l’immense chagrin et la non moins immense joie ! mais effectivement, combien de chats ne font pas le voyage avec nous, ou y retournent d’une manière ou d’une autre. ce sont des moments très difficiles dans la vie de nos bêtes exclusives, les déménagements. aussi l’arrivée de nouveaux museaux ou de nouveaux humains. 18 ans… mon Anaïs est morte aussi à 18 ans. sacrée vie commune, hein ?

      et c’est vrai, Florette m’a fait un beau cadeau, elle est morte vraiment paisiblement. j’étais bien sûr prête à lui faire une injection de sédatif pour la descendre en ville en voyage final mais inconscient, mais elle ne semblait pas souffrir (par contre le ronron ne signifie pas « je vais bien », mais plutôt « je suis dans un état émotif », que ce soit le bien ou le mal). et oui, pour que je sache…(c’est bizarre, ce sont tes mots qui arrivent à décrocher les larmes qui restaient bloquées je sais pas où…)

  3. Oui, tout a fait. On regrette, on culpabilise, lorsqu’un des ‘discrets’ vient a disparaître… Tout a coup on le trouve parfait, et même on peut enrager contre les enquiquinants’qui nous restent sur les bras’, car il y a ce petit temps de révolte après un décès…je comprend parfaitement tout ce que vous pouvez ressentir, si elle est venue pour ses derniers moments, vers vous, c’est que vous avez compté pour elle et été juste comme elle aimait : respectant son besoin de calme et de discrétion.
    Très belle Florette…. un ange reparti..

    • chaque fois que je sors, je m’attends à la voir devant la porte, à se jeter par terre en me voyant pour me présenter son ventre doux.
      mais c’est là où je me rends compte d’une (des nombreuses) différence entre avoir peu de chats et beaucoup. à la mort de mon amour, anaïs petitute, en france, restait jean-françois joseph. qui, sa tortionnaire disparue (elle l’a soufflé comme « inconnu » pendant 18 ans…), a commencé à devenir très présent, affectueux. et c’est horrible à dire, mais je lui en voulais d’être tellement là. bon, ça m’a passé assez vite, mais l’emmerdeuse (sublime) disparue restait encore plus présente en somme que le petit survivant.
      par contre, ici je n’ai pas ce sentiment de « foutez-moi la paix et laissez-moi à mon chagrin », et au contraire je leur suis plutôt reconnaissante d’être là et toujours si nombreux, moins une ou moins un. je reste triste, de cette tristesse qui s’accumule (lucette, mouchet, suzy, schrimpette, led-zep, serge, j’en passe, des dizaines), mais le flux de la vie m’entraîne.

  4. Bonjour Zoz,

    Bien sûr émue par ton texte, furax et heureuse pour d’autres raisons.
    Horreur: Je viens de parler chat avec le voisin, il en vu 2 mourir chez lui empoisonnés, je ne savais ce qu’ était devenues mes 2 chères disparues, j’espérais qu’elles n’avaient pas souffert…raté!
    Bonheur: Les voisins viennent de partir en vacances, bien sûr les chats ont à manger, mais une petite à besoin de beaucoup de câlins, elle est venue les chercher ici, c’est installée et elle est, non était à donner. Incontestablement une emmerderesse! Il lui manque la queue: accident de voiture!
    +1, la roue tourne
    Bises et câlins à tous
    Agnès

    • bonjour ancolie (car pour moi tu restes la plus jolie fleur des alpes, la variété rare, bien foncée !!). ouh la, merde pour tes 2 minoutes. oui, quand nos chats disparaissent, on essaie de se raconter de chouettes histoires, des morts sans souffrance, une adoption encore plus mieux bien que la nôtre, mais la réalité la plupart du temps est cruelle. je rêve que Saint Suaire, si tendre, si souriant, si petitmari adorant, a trouvé une gentille famille qui le soigne, mais j’ai juste peur de trouver son corps quelque part parmi les épineux, et mort sûrement pas dans la joie, vu que c’était un chat en très bonne santé, et, chose rare ici, oreilles et dents indemnes. je rêve de choper un empoisonneur, de l’assoiffer, et de lui proposer 2 verres d’eau, un plein d’herbicide et un pas. à choix. en plus, sais-tu qui empoisonne dans ton coin ? quand au chat qui-se-cache-pour-mourir, j’y crois pas une seconde, j’ai plutôt l’impression que les chats fuient la douleur, ils associent le lieu ou l’objet à cela, et leur réaction est de s’éloigner. j’ai déjà récupéré des chats mourants, que j’ai fait euthanasier, couverts de fourmis et de mouches, qui elles profitent de l’aubaine. donc je partage de tout coeur ta tristesse.
      mais la joie est là, oui. ça y est, tu as été choisie par ta petite emmerderesse sans queue !!! c’est un honneur toujours, hein, de se faire élire comme meilleure papouilleuse ventrale du coin !!
      je vous embrasse elle et toi !

  5. Bonsoir Zozefine. Je viens de découvrir votre blog, et Manouche et Filou aussi, affalés sur mon bureau de part et d’autre du clavier.
    En fait d’emmerdeur, je n’en connais de pire que Darwin, le chat qui a adopté William Jordan, un entomologiste californien. Ce scientifique coupé de ses émotions a été transformé par un chat errant qu’il a, en bon rationaliste, appelé Darwin. Il raconte leur histoire et ce que lui a appris Darwin dans un livre poignant : « Un chat nommé Darwin – Comment un chat de gouttière a transformé un scientifique en être humain ». Avant de mourir, Darwin « parle » à son compagnon William : « Je serai là aussi longtemps que tu vivras, dit Darwin très simplement. Dans les racines de ton cerveau, où tu pourras me rendre visite chaque fois que tu le souhaiteras. Et un jour, lorsque ton heure sera venue, les molécules de mon souvenir et celles de ton esprit se mélangeront dans la terre. Va maintenant. Je vais me reposer un moment »… « Je levai mon visage vers le soleil, inspirai profondément la douceur de l’air vivant et remerciai Darwin de m’avoir donné Vie. »
    Votre Florette, Zozefine, vous a quittée à la manière de Darwin. Et je suis sûre que, comme le scientifique William, tous vos chats vous ont appris ce qu’il y a de plus précieux: le sens de la Vie.

    J’admire et respecte votre accueil bienveillant et aimant de tous ces chats. J’aimerais apporter ma petite pierre à l’édifice. A quel compte peut-on vous virer quelque argent depuis la Belgique?

    Bonne soirée sur votre si belle île où j’ai passé, longtemps avant la crise, de fort beaux et doux moments.
    Cléo.

    • merci cléo. c’est très exactement comme cela que je me l’imagine, oui : « Je serai là aussi longtemps que tu vivras, dit Darwin très simplement. Dans les racines de ton cerveau, où tu pourras me rendre visite chaque fois que tu le souhaiteras. Et un jour, lorsque ton heure sera venue, les molécules de mon souvenir et celles de ton esprit se mélangeront dans la terre ». je me l’imagine ainsi de tous mes morts il faut dire. merci, c’est très beau, apaisant, et c’est sûrement ça, je vois pas ce que ça pourrait être d’autre. et j’y ajouterai ce miraculeux « Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les songes et notre vie infime est coiffée de sommeil… » de shakespeare, par la voix de prospero.
      c’est drôle, κλέω en grec ancien c’est chanter, célébrer, et κλαίω en grec moderne c’est pleurer. ainsi vous connaissez syros ! elle chante et pleure, comme vous, dans cette grèce détruite. la crise a mis du temps à arriver dans les îles, mais elle y est tout aussi cruelle, et à certains égards beaucoup plus grave dans ces microcosmes fragiles.
      quant aux dons, qui sont extrêmement bienvenus, juste en haut à droite du texte vous verrez une petite fenêtre avec « faire un don » : c’est là que ça se passe !!!
      au plaisir de vous revoir par ici !!

    • mon père avait un « jeu » avec les chats, il faisait « chat-mou ». tu prends ton chat dans ta main comme un siège sous ses fesses, les pattes avant entre les pattes arrière et tu montes et descends doucement… c’est chat-mou. ton rouquin me semble un très bon client pour ce jeu !!! ah les rouquins..j’ai essayé avec Bibu, il est moins moumou que ton rouquin. on les boufferait à cet âge-là, non ?

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