Poésie.

D’un écrivain dont je révère l’écriture et parfois les histoires (car son côté chasseur-pêcheur-buveur-testostéroné m’échappe en grande partie), ce poème sur la mort de sa chatte :

If I’m not mistaken, everyone seems to go back

to where they came from, ending up right

where they began. Our beloved cat died today.

She liked to sit on my head during zazen

back when she was a child. I bow to her magnificence

beside which all churches and temples are privy holes.

 

After Ikkyu and Other Poems

Jim Harrison

Sauf erreur de ma part, tout le monde semble

revenir au départ, pour en finir là même

où on a commencé. Notre chatte bien-aimée aujourd’hui est morte.

Quand elle était petite, que je faisais mon zazen,

elle aimait prendre place sur ma tête. Je salue sa splendeur

à côté de laquelle les temples et églises ne sont que trous de chiottes.

Traduction JL Piningre, « L’éclipse de lune de Davenport »

 

Et cet autre poème, qui me suit depuis très longtemps… (et qu’on se le dise, j’aimerais que ce soit ce qu’on lira à mon enterrement !) :

Cette fumée qui nous portait était soeur du bâton qui dérange la pierre et du nuage qui ouvre le ciel. Elle n’avait pas mépris de nous, nous prenait tels que nous étions, minces ruisseaux nourris de désarroi et d’espérance, avec un verrou aux mâchoires et une montagne dans le regard.

René Char

Fureur et mystère

 

Et en parcourant mon fichier de « textes et poèmes », je trouve ces deux monuments de Shapeskeare… Bon, je suis peut-être d’humeur un peu sombre, mais la beauté des images est là…

Our revels now are ended. These our actors,
As I foretold you, were all spirits and
Are melted into air, into thin air;
And — like the baseless fabric of this vision —
The cloud-capped towers, the gorgeous palaces,
The solemn temples, the great globe itself,
Yea, all which it inherit, shall dissolve,
And like this insubstantial pageant faded,
Leave not a rack behind. We are such stuff
As dreams are made on, and our little life
Is rounded with a sleep. …

Prospero, The Tempest, W.Shakespeare

Nos divertissements sont finis. Ces acteurs, j’eus soin de vous le dire, étaient tous des esprits : ils sont dissipés dans l’air, dans l’air subtil. Tout de même que ce fantasme sans assises, les tours ennuagées, les palais somptueux, les temples solennels et ce grand globe même, avec tous ceux qui l’habitent se dissoudront, s’évanouiront tel ce spectacle incorporel sans laisser derrière eux ne serait-ce qu’un brouillard. Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les songes et notre vie infime est coiffée de sommeil…

 

Et cette autre merveille :

 

Tomorrow, and tomorrow, and tomorrow,

Creeps in this petty pace from day to day,

To the last syllable of recorded time;

And all our yesterdays have lighted fools

The way to dusty death. Out, out, brief candle!

Life’s but a walking shadow, a poor player

That struts and frets his hour upon the stage,

And then is heard no more; it is a tale

Told by an idiot, full of sound and fury,

Signifying nothing.

 

Acte V, Macbeth, W. Shakespeare

Demain, demain, demain se glisse ainsi à petits pas d’un jour à l’autre, jusqu’à la dernière syllabe du temps inscrit ; et tous nos hier n’ont travaillé, les imbéciles, qu’à nous abréger le chemin de la mort poudreuse. Éteins-toi, éteins-toi, court flambeau : la vie n’est qu’une ombre qui marche ; elle ressemble à un comédien qui se pavane et s’agite sur le théâtre une heure ; après quoi il n’en est plus question ; c’est un conte raconté par un idiot avec beaucoup de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien.

J’imagine qu’être comédien et pouvoir dire ces mots doit être une jouissance incroyable.

5 thoughts on “Poésie.

  1. Textes très beaux profonds et tristes, en particulier quand on est encore une fois confronté a la disparition d’un petit être quand il y a 2 jours a peine ronronnait et plongeait son regard doux et melancolique dans le mien en entendant son nom : Ariel….
    En effet qu’edt ce que ces éclairs de vie si tôt éteints ?
    Comment cela se peut il ?

    • je ne sais pas comment cela se peut. j’admire la sagesse des gens qui acceptent sans avoir le coeur dur. beau nom de chat, Ariel, un archange. triste, et désolée pour lui et bien sûr pour vous : ce sont des goulets de chagrin par lesquels il faut passer, et des absences auxquelles il faut s’habituer… »Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les songes et notre vie infime est coiffée de sommeil ». en pensée avec vous, chatfouine, courage.

      • Merci Zozefine. Les chatons sont des anges venus sur Terre parmi nous pour nous enseigner quelquechose que je ne suis pas mûre pour comprendre.
        Moi aussi tout a l’heure en lisant ces extraits, et certains de vos chapitres, je pensais aux boudhistes qui savent accepter sans avoir le coeur dur, ne s’attachent pas tout en aimant…
        Je pense beaucoup a vous depuis que je suis tombée, je ne sais plus par quel hasard, sur votre blog, car il faut une force physique et morale hors du commun pour prendre soin, seule, d’autant de petites planètes.
        Quiétude, bonne santé surtout, joie de vivre pour tous vos félins (et Alithia et sa patronne aussi !)

  2. D’accord avec toi, mais Jim Harrisson reste, malgré tout, un merveilleux écrivain. Je dévore sa prose et sa poésie depuis très longtemps.

  3. Les éditions Arts et Peinture Pigalle viennent de faire paraître le livre illustré « Chats et proverbes du monde » de l’illustratrice Evane Luna.
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    Très bonne découverte.
    GE29

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