Les chats de Derek

Même si je renâcle à l’idée d’y aller – prendre la voiture, lassitude d’une route tellement parcourue – j’aime vraiment bien aller nourrir les chats de Derek. Bon, pour autant que la météo soit clémente, c’est clair : aller porter la bonne parole et le bon miam miam dans les bartasses quand il pleut (toujours à verse ici) et sous Beaufort 8, c’est pas vraiment le pied. Mais hier, malgré le vent (de sud mais paradoxalement plutôt frais), et un soleil voilé, c’était agréable.

Comme j’ai dû déjà le raconter, Derek, prof de chimie british à la retraite, est un pendulaire au long cours : il suit le beau temps et la chaleur, dans sa grotte à Arméos pendant notre été, et en Nouvelle-Zélande pendant l’été austral. Et il adore les chats. Et à Syros, il est rare de ne pas rencontrer sur son chemin quelque chat (« chat abandonné » ici est une formule pléonasmique) affamé, malade. Son coeur s’emballe, il s’en occupe. Le village touristique de Galissas, à 5′ de la plage d’Arméos, est plein de chats, et certains de ceux-ci grimpent la colline et passent côté Arméos. Et au fur et à mesure de leur arrivée, ils découvrent, ô merveille, qu’il y a une bonne âme qui les nourrit et les soigne – 5 mois par an. Derek est donc l’heureux « papa » de 11 chats et il s’en occupe bien : stérilisations, vermifuge, anti-puce, repas deux fois par jour. Et certains dorment dans sa tente pendant son long séjour de Robinson.

Tout le problème est de gérer le reste de l’année. C’est essentiellement Tim, un autre anglais qui habite tout près de Galissas, lui-même amateur de (nombreux) chats, qui va les nourrir tous les 2 jours. Comme Tim part lui-même parfois en vadrouille, c’est moi qui m’y colle (il y a quelque chose d’injuste, par contre, que personne ne « s’y colle » pour moi – pas de réciprocité. Mais il est vrai que nourrir 100 chats + une chienne, c’est vraiment une autre histoire que nourrir 11 chats !). A chaque fois que j’y vais, j’amène un petit extra de bouffe, une grosse boîte et des croquettes. Coup de bol météo : hier, il faisait beau, alors qu’aujourd’hui, il pleut et l’orage gronde chez mon amie sur Tinos ! Mais je l’entends approcher, et je dois me hâter de terminer ce texte et de fermer l’ordinateur, avant que la foudre ne me tombe dessus et n’explose ma ventraille informatique une fois de plus…

Alors quelques images de ma journée d’hier…

D’abord, nourrir ces chats ! C’est la folie, un accueil de « miaou » affamés, ici près du chemin qui descend sur la plage :

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Et là dessous à la grotte de Derek :

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La vue depuis la grotte de Derek est vraiment pas dégueulasse, n’est-ce pas ?

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Je suis très, mais très très frileuse, et en général, la baignade dans la grande bleue, c’est pas avant juillet – et encore ! Mais cette année, j’ai décidé d’être forte, et de commencer plus tôt. D’autant plus que je me suis encroûtée affreusement, le derrière et le bide bien gras à force d’être rivée à l’ordi, et la peau bien tristounette de fin d’hiver. Donc hier, j’ai nagé ! Oui ! Par contre, pour aller dans l’eau, c’est pas du tout comme les gens qui se jettent d’un coup, trop violent ! Moi, ça me prend du temps, siga-siga, et hier une bonne demi-heure pour perdre pied : j’ai marché de long en large et à chaque trajet, je m’enfonçais un (tout petit) peu plus dans l’eau… Une bonne marche bien vigoureuse, genre hydro-thérapie, sur la pointe des pieds et en faisant de grands pas musclés. Et lorsque je suis arrivée à la hauteur des épaules et du cou, je ne ressentais plus du tout le froid (et pour cause, complètement réfrigérée).

Mais avouez que c’était irrésistible ! Et je dédie donc ma première baignade, bien que glacée, à toutes celles et tous ceux qui aimeraient en faire autant…

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Je suis restée un bon moment sur la plage, à me bronzer et à lire sur la liseuse (grande grande invention). Alithia a chassé le lézard farouche bien qu’un peu ralenti par l ‘air encore frais de mars, ensuite retour à la maison pour poser la chienne et descente en ville pour quelques courses.

Rencontre odorante d’un bigaradier, la merveille des villes grecques, tout pétulant de fleurs :

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Et je pense que peu de gens ont la chance d’avoir un supermarket avec une vue aussi chouette :

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Le voilà, le supermarket. En fait, j’y vais surtout pour acheter un jus d’oranges cheap mais parfait pour la cuisine, et de l’eau qui pique en grandes bouteilles (ici, l’eau qui pique, c’est considéré comme une non-boisson, le truc qu’on boit quand on est malade ou qu’on a la gueule de bois – donc la trouver en grandes bouteilles est difficile)

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Et puis en rentrant à la maison, et avant de nourrir les bêtes, j’ai cueilli quelques capucines qui se sont naturalisées dans le jardin :

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Et j’ai dû arroser… Déjà !

 

 

15 thoughts on “Les chats de Derek

  1. Tu as les pieds bien bronzés dis-donc ;-)
    Juste une question : la population de chats est-elle en augmentation ou en diminution sur ton île ?
    Tu parles de stérilisation mais au final qu’en est-il ?

    • oh, une visite de l’asinus erectus ! pas bronzés, rougis par le froid oui !

      quant à ta question, impossible de répondre. une impression hyper locale : j’ai réussi à maintenir le nombre de chats dedans et dehors à une 50aine pendant quelques années. puis explosion démographique après avoir loupé la stérilisation de quelques femelles très prolifiques, qui non contentes d’avoir fait 2 portées dans l’année n’ont fait que des femelles, toutes plus sauvages les unes que les autres. bref, on peut avoir un certain équilibre mais ça part en vrille en une saison. c’est clair que loin des routes, en les nourrissant, les soignant quand je peux, les protégeant, donc en ne comptant pas sur ce sur quoi comptent la plupart des gens (routes, maladies, dénutrition) pour faire le vide, « ma » population ne diminue pas. j’espère qu’avec la 20aine de stérilisations cette année, d’autres à venir quand je serai en fonds, elle n’augmentera pas grâce à / à cause de mes bons soins !!

      ailleurs qu’ici chez moi, il me semble que la mortalité est telle qu’il y a un certain équilibre. mais à quel prix ! tant de faim, de souffrance, de maladies, une telle vie lamentable… certains jours, je me demande si les vastes campagnes d’euthanasie si chères à nos contrées ne seraient pas la seule solution. mais ça me passe très vite quand je pense que chaque chat est un Loulou, une Olympe ou un Petit Nouveau inconnu…

  2. L’amie de Tinos te dit que sans réciprocité pas de vrai partage. Enfin, c’est pour la bonne cause. Quel courage, ce bain ! C’est décidé, au premier rayon de soleil j’y vais, il en va de ma fierté… Bien aimé ton billet d’aujourd’hui, juste en harmonie avec ce qui t’entoure.

    • mais il n’entre pas dans leurs visées ni dans les miennes de « partager ». si je n’y vais pas, personne n’y va. point. c’est injuste, mais je le choisis.

      je dois dire qu’étant donné ma frilosité et ma pusillanimité légendaires quant à la baignade en eau froide, j’étais plutôt fière de moi. et je pense que le fait d’y être allée très progressivement (encore plus que ça), quasi centimètre par centimètre, et en marchant, ça m’a permis de rester longtemps dans l’eau (pas le floutch ! AAAAAARGH !!! brrrrrr ! des entrées violentes) et de ne pas avoir froid. mais par contre une fois ressortie, je me suis rendu compte que j’avais dû baisser ma chaleur corporelle à 36° au plus !!! en m’étrillant je ne sentais plus ma peau. pas froid, mais anesthésiée. j’y retourne demain matin, j’espère qu’il fera moins venteux nuageux qu’aujourd’hui pour remettre ça.
      et ensuite, je vais à l’inauguration musicale de Tarsanas…. je me réjouis, même si c’est un horaire merdique par rapport aux chats.

      et oui, ma chère claude, il en va de ta fierté d’insulaire tiniote d’aller tenter une brasse !!!

  3. Quelle belle plage ! Mon rêve : seule sur la plage… Dans ce cas, je serais capable de me baigner dans une eau à 15° (elle en avait 19° l’été dernier dans mon estuaire marronnasse).
    Quant aux chats… en effet… est-ce que les campagnes d’euthanasie ne valent pas mieux que ces vies si courtes et si mouvementées, si souffreteuses … A chaque fois je pense à tous ces chats qui peuplaient les poubelles du bled à Djerba, ou alimentés de vieux restes par quelques maîtresses de maison, ou à ces pauvres bêtes croisées fuyant dans les ruelles du souk des bouchers au Caire… Une vie de rats. Mais comment faire pour savoir ce qu’un chat pense de sa vie, qu’elle soit celle d’un chat gâté comme nos chats occidentaux, ou celle d’un chat errant ailleurs…

    • une très belle plage, oui, et très en danger en cette période de bradage généralisé des côtes… on la surveille comme le lait sur le feu
      on en sait rien de ce que conçoivent les chats de leur vie. mais ce raisonnement vaut pour toute créature. oserais-tu le penser de tous ces gens pour lesquels tu luttes et qui vivent des non-vies – enfin, pour nous ? euthanasie généralisée pour des vies qui n’en valent pas le coup ? et qui décide d’une vie qui-en-vaut-le-coup ? mais bon, j’ai beau retourner dans tous les sens cette question du sens, de la vie, de la mort, de l’euthanasie, je n’ai jamais que des réponses au coup par coup.
      il y a 2 « philosophies » qui s’opposent radicalement concernant les animaux harets : euthanasie générale, le plus possible, puis contrôle très strict et dérapages toujours un peu hors des clous, dépendants d’une tolérance plus ou moins grande des autorités. et laisser faire, en comptant sur les maladies et les bagnoles, et les bonnes volontés comme jacky, derek, tim, moi, tant d’autres. quant tu vois les chiens errants d’athènes, tu n’as aucun doute, mieux vaut la mort. mais il suffirait de si peu, dans le fond, pour rendre leur vie – à NOS yeux – vivable.

      je ne sais pas, vraiment. ma vie serait tellement plus simple si je faisais euhanasier mes chats. c’est vrai, ou si simplement je les abandonnais. mais je n’y survivrais pas, ça aussi c’est vrai.

  4. Tu parles des chiens errants d’Athènes, probablement de ceux d’avant les JO : malades, blessés, tremblants, affamés sous l’indifférence générale. Et si perturbants pour l’image de la ville que la mairie avait décidé, avec les associations locales, d’euthanasier les plus atteints, de remplir les refuges de beaucoup d’autres chiens en espérant des adoptions, et d’en garder en liberté. Ceux-là tu les vois maintenant, ils sont pépères dans les rues, bien nourris, en bonne santé et pacifiques. On les reconnaît à leurs colliers.

    Maintenant se pose toujours la question : qui « mérite » la mort, comment choisir et, au fond, faut-il choisir ? Je me souviens des ânes du Caire, jamais vu un truc pareil, j’aurais tout fait pour les sauver si j’avais pu, alors qu’ils étaient mourants et hélas si résistants. Ah… il serait si simple de soigner, stériliser, nourrir si on s’y mettait tous. Ici il y a toujours un paysan qui pète les plombs et tue impunément d’un coup TOUS les chats de son village, même ceux dont il sait très bien qu’ils appartiennent à quelqu’un. On n’en a pas fini avec la cruauté, il y a du boulot…

  5. c’est vrai que j’ai des souvenirs de chiens d’avant les JO. en particulier une pauvre chienne maigrissime, avec son petit, essayant de traverser une rue genre alexandra, avec plein de travaux, j’en chialais. mais figure-toi que c’est sur ton île que j’ai vu des trucs vraiment dégueulasses, un petit âne l’air blessé ou malade couché sur le bitume, et personne pour s’en soucier, et les zagneaux-de-pâques, à 5 ou 6 enfoncés dans des sortes de petites cages grillagées, et d’autres les pattes liées entassés sur le bord de la route… moi, pâques, si je pouvais, je m’enfuirais de grèce… et je te raconte pas les odeurs de cadavres brûlés du lundi.
    et oui, les ânes…si résistants hélas pour eux. et les chevaux, en tunisie : ils font des courses dingues, mais un cheval ça n’a aucune valeur, c’est juste pour la course, et ma mère avait vu ces chevaux avec des trous gros comme le poing là où frappe l’éperon. et tant de saloperies, de cruautés.
    mon dieu, comme la liste de nos méfaits d’êtres élus est longue et accablante.
    des fois, on sait qui « mérite » la mort, non ?

    • Les ânes égyptiens ? Une horreur ! Faméliques, disparaissant sous leur chargement, blessés… c’est insupportable. Ces bêtes sont si intelligentes et sensibles… je n’ai jamais compris comment le monde arabe pouvait être aussi violent avec les animaux domestiques. Mais le nôtre aussi… sauf qu’on est en train de redécouvrir l’utilité de l’âne (pour manger toutes ces petites herbes sèches qui propagent si bien les incendies de forêts l’été venu)…
      Oui, on sait qui « mérite » la mort… et il me semble qu’on fait tout pour y arriver très vite, de plus en plus vite.

  6. Les agneaux de Pâques, horrible, malade d’avance devant le massacre, par contre on ne tue généralement pas les agneaux sur mon île, les adultes seulement. Je crois que je passerai Pâques enfermée dans la maison ou sur une plage bien déserte pour éviter les odeurs et l’hystérie de la grande bouffe post-jeûne. Et il y a tous les camions bondés de moutons qui partent en ferry pour les Athéniens dans les conditions qu’on imagine.

  7. désolée, mais jamais je ne mettrai les pieds en Grèce….. trop de misère, images insoutenables, qui restent gravées à tout jamais… mais je pense tous les jours à vous…Anne

  8. @ gunera : là on parle de condition animale et il y a bien pire ailleurs. Et je connais des Grecs qui aiment les animaux, on fait beaucoup de progrès ! Avant d’être en Grèce je vivais dans le sud de la France où je voyais des choses terribles…

  9. pour répondre à gunera et à toi : des pays (peu) que j’ai visités dans ma jeunesse, la grèce était le seul d’où j’étais revenue à la fois amoureuse, mais certaine que jamais je n’y vivrais, à cause du sort effroyable des animaux. là je parle des années 75-80… c’est vrai que ça a changé, c’est peut-être aussi à cause de ça que les horreurs qu’on voit ici sont aussi frappantes, aussi choquantes.
    bon, claude, pour pâques, toutes aux abris, hein ?? j’ai constaté que le petit troupeau d’agneaux et de moutons un peu en amont a disparu. et devant la bergerie, j’ai vu le 4X4 de mixalis bâché, et lui et son copain tueur en train de se fumer un clope, les fesses sur le hayon… je ne me suis jamais arrêtée pour les photographier ou les filmer, ces agneaux, et dieu sait s’ils étaient adorables, joueurs, marrants. ce champ tout vide. et marinos, avec qui je m’entends bien, qui aime ses bêtes (une brebis et trois agneaux, une chèvrette et deux chevreaux – c’est lui qui se fait empoisonner ses chiens par son frère – ambiance…), je lui ai demandé s’il allait tuer ses zoakia, il m’a regardé tout triste, et m’a dit « je peux pas, c’est un ami qui fait ça ». le même je suppose que mixalis. cette petite vallée va ruisseler de sang, merde alors. avant de puer le cadavre brûlé. au secours.

  10. Ne pas oublier que la Grèce n’est sortie que récemment de son Moyen Âge et qu’en France ce n’était guère mieux il n’y a pas si longtemps.

    La Grèce c’est aussi ça, quelque chose dans l’air de non conformiste et de parfois très doux, un rapport à la nature « naturel » et pas toujours dans l’horreur de la maltraitante animale. Je vais parfois dans la partie maritime d’un très beau village – il faut savoir que mon île est plus agricole que maritime, elle regarde vers les terres et chaque village a son accès à la mer même s’il se situe à des kilomètres. Je pose la voiture devant une petite maison à 50 m d’un petit kafeneion les pieds dans l’eau et je vois en sortir un homme qui justement y va. Il se retourne et siffle doucement, je cherche du regard son chien, mais non c’est un gros mouton qui le suit et l’accompagnera jusqu’au café où il se couchera à ses pieds le temps d’un raki.

    Voilà, c’est juste pour dire… comme on dit.

  11. une remarque très juste de claude, et qu’il faut méditer parce que ça fait partie des raisons qui nous font vivre ici, je la cite :

    J’avais envie de montrer que la Grèce ce n’était pas que ce pays abominable où on ne mettra jamais les pieds et que tout y est plus complexe qu’on ne croit. Tu en connais beaucoup de cafés en France où tu peux tranquillement aller siroter ton ouzo – pardon ton pastis – avec ton mouton ? ça c’est la fantaisie grecque, pas seulement un homme qui aime son mouton.

    bien vu !

    mais je comprends gunera : s’il n’y avait eu les « circonstances de la vie » – en l’occurrence ma rencontre avec ghiorgos, mon futur mari futur ex-mari à folegandros, il est certain que je n’aurais jamais habité en grèce. et la raison pour laquelle je me retrouve avec 100 chats en grèce, c’est justement parce que je ne supportais pas cette misère des chats autour de chez moi.

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