24 décembre : ce qu’elle donne d’une main, elle l’enlève de l’autre

Pourtant, une bonne nouvelle, une belle journée.

Mais ce soir, en donnant à manger aux chats de dehors, je décide de regarder de plus près un endroit à chats aménagé anti-pluie /anti-vent, devant lequel il y a une écuelle de croquettes, étrangement toujours pleine, où les chats ne vont plus.

L’endroit est sombre, mais il sent indéniablement le cadavre. La lampe de poche me permet d’apercevoir un dos, une tête à plat, des oreilles dressées, c’est le corps d’un chat gris angora. Je passe en revue les chats gris et angora. Soudain, je réalise que ça fait un bon moment que je ne l’ai plus vu, le beau gris au poil doux comme la soie.

J’aimais tendrement ce chat, c’était un calme et un tendre. Il m’aurait été si facile d’en faire un chat de dedans. D’ailleurs les chats de dehors qui pigent la combine des deux entrées, et qui pigent aussi le coup des chatières, je ne les chasse pas. Certains chats ne pigent pas, et d’autres n’en voient pas l’intérêt. Il me semblait que ce gris-là était de ceux-là. Il adorait les croquettes Fit, les croquettes de luxe, et je lui en réservais toujours une petite poignée dans l’écuelle près de la porte : c’était notre truc à nous deux. Quand j’y pensais, quand je n’étais pas trop pressée, on se faisait de tendres mamours. Mais je n’y pensais pas toujours, et j’étais souvent pressée.

La liste est prête, et longue, des questions sans réponse, qui toujours nous déchirent le coeur à la disparition d’un chat aimé. A-t-il souffert ? Aurais-je pu le sauver ? Est-il mort depuis longtemps ? A-t-il compris que je l’aimais ? Aurait-il voulu faire « chat-de-dedans » ? L’ai-je assez nourri ? Assez caressé ? A-t-il été heureux de venir ici ?

Artémis est terrifiante, ce qu’elle donne d’une main, elle le reprend de l’autre. Comme s’il était urgent de rétablir cette sorte d’équilibre usant entre chagrin et non-chagrin.

Alors j’ai parcouru mes photos, mes centaines ? mes milliers ? de photos pour retrouver quelques images de ce chat aimé que j’ai si peu photographié. Quelle terrible promenade parmi les chats disparus j’ai faite. Mais ce sont aussi des images de bêtes heureuses, libres, libérées de l’angoisse de la nourriture.

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Au passage, j’ai piqué quelques photos, par exemple cet autre disparu, le P’tit Nouveau au violoncelle

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Et puis dans cette humeur sombre, des images de couleurs :

Fleur de cactus et escargots

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Fleur de grenadier

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Cétoine doré et artichaut

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Eresus niger (mâle)

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Lantana et géranium

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Sébastien dans la prairie

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L’été

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Et puis Alithia, très Marilyn, je trouve…

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Un chat têtu devant un nuage extraordinaire

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Un souvenir amusant de cet été, avec les chevrettes de Marinos

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Je n’ai pas le courage de déranger ce corps, de vivre ça, maintenant. Je ne sais pas ce que je ferai. Peut-être laisser reposer mon beau gris jusqu’au printemps, faire un grand ménage de cette « cachette » à ce moment-là.

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Noël n’est plus une fête gaie pour moi. J’attends que ça passe.

 

 

22 thoughts on “24 décembre : ce qu’elle donne d’une main, elle l’enlève de l’autre

    • oui, hein ?! bon, comme je dis ailleurs, ça arrive quand j’en ai la force, il y a une semaine je sais pas dans quel état cette mort m’aurait mise. et toi, prends bien soin de ta bête !!! bon noël, ma clo.

  1. on partage un peu, pas grand chose, juste un peu de ton chagrin qui ma rejoint ce soir en te lisant. je le porte avec moi et j’espère t’en décharger un petit peu. se dire que c’est la vie, que c’est comme ça, qu’on n’y peut rien. et qu’on les aime aussi pour ça, ce grand vide que chacun laisse derrière lui et qui se remplit de nos souvenirs communs par delà la séparation. je t’embrasse

    • figure-toi que j’ai posé ce post, parce que j’en avais besoin, sans attendre de réactions. un 24, avec ce truc plombant, franchement, je ne pensais pas lire autant de réactions empathiques et bonnes. et vous lire toi et les autres, ça m’a bien aidée. alors oui, effectivement, que tu portes mon chagrin et que tu m’écrives est une belle manière de soulager ma peine. merci beaucoup jean-luc, je prends ! et bon noël. je t’embrasse aussi.

  2. Oui, je crois que Jean-Luc a raison. C’est la vie, et la mort aussi parfois. Ce pincement au cœur en apprenant cette fin solitaire… Mais ne sommes nous tous pas logés à la même enseigne ? Ne mourrons nous pas tous seuls, nous aussi, finalement ?
    Quand les vivants qu’on aime disparaissent, animaux ou humains, on se dit toujours qu’on les oubliés, parfois, ou pas assez/mal aimés. Or, on fait simplement ce qu’on peut …

    • c’est moins cette mort solitaire à l’abri de la bâche que l’angoisse de ne pas avoir été là pour « faire quelque chose ». l’absence de ce beau chat m’avait échappé, parce que je l’avais souvent croisé beaucoup plus haut dans la vallée, et qu’il ne dormait jamais ici. j’ai donc pensé (sans réaliser que je le pensais vraiment) qu’il avait trouvé un endroit un peu moins… ou un peu plus…, bref, qu’il vivait ailleurs et heureux. c’est vrai, j’ai fait ce que je pouvais, mais ça me bouffe un peu la tête de penser qu’il aurait suffi que je regarde sous cet abri pour peut-être faire un peu plus. mais tu me connais, la culpabilité est une composante active de ma psyché… bon noël ma gavrochounette !!

  3. Je ne possède aucun mot ni aucune belle phrase à t’offrir pour atténuer ce chagrin que pourtant je connais si bien .D’ailleurs je ne crois pas qu’il en existe, sauf celles convenues qui nous obligent mais n’amoindrissent rien .
    Le rythme de nos vies nous échappe souvent, on croit le tenir, il est fait pour longtemps .
    .
    Chat gris, chagrin, chat grain si l’on n’y prend garde. Nous ne maîtrisons rien ….
    Un de mes vieux copains d’amertume et qui connaissait bien la question disait que  » le bonheur c’est du malheur qui se repose  » .
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    Lui aussi se repose à présent depuis longtemps, mon vieux lion à la langue ferrée .
    Je ne sais même pas si tu as de la religion et après tout on s’en fout, ce n’est important que chez les cons .
    .
    Alors je vais quand même te dire bon Noël, la femme aux cent chats . Tu sers les moulins, tu te fiches des ingrats, tu vis pour ça, c’est bien !
    .
    Bon Noël Sylvie .

    • bon noël, renato !

      merci pour ces belles phrases et ces douces pensées.
      artémis ne m’a pas imposé ça quand j’étais à la ramasse. il y a une semaine, trouver mort ce beau gris, que je n’ai pas nommé, m’aurait totalement cassée. là, on se contente d’un gros chagrin pour le chat gris, et ces questions sans réponse.

  4. Tu n’as rien pu faire… ces chats ont la manie d’aller se planquer quand ils ne vont pas bien… ainsi les a conçu Artemis… et tant mieux que ce blues « de Noël » (on va l’appeler comme ça) te soit tombé dessus une semaine avant Noël… et que peut-être certains petits envois t’aient aidée à remonter la pente.
    C’est pour ça que les amis sont là… les chats donnent ce qu’ils veulent comme ils veulent et en ça ils sont très respectables avec leur âme solitaire ;o)

    • les chats donnent ce qu’ils veulent comme ils veulent et en ça ils sont très respectables avec leur âme solitaire : très juste. ce qui rend nos rapports avec eux tellement complexes. tout se mêle, nos projections d’humains, ce que nous compensons en aimant pareilles créatures insaisissables.

      mais oui, je dois dire que ce violent coup de mou qu’ont accompagné tant de dons, de paquets et de signes d’amitié, ça a été une vraie sauvegarde. le corps du beau chat gris est toujours là, mais j’ai décidé que je n’avais pas la force de l’enlever, et que, pour cette fois, j’aurai un peu pitié de moi. il est là, et son âme légère veille sur la maison, c’est tout.

  5. Et merde ! Je découvre ton billet maintenant. Et je me dis qu’hier soir pendant que je dissertais gaiement à l’apéro avec ma nièce qui fait du bénévolat dans un refuge animalier… toi tu vivais des instants douloureux… encore un peu plus.
    Et tu en parles avec tellement de courage ! Prends bien soin de toi et de tout ton Royaume belle amie !

    Mille baisers tendres et doux.

    :-)

    • ah ça, quand artémis te prend en « affection », elle te lâche plus, soufflant le chaud et le froid avec enthousiasme ! mais je suis contente que les zuns et les zautres ayez profité de vos réveillons, ce sont des moments qui passent vite, des fois un peu emmerdants, des fois un peu trop arrosés, ou trop nourris, mais tout de même, il s’y passe quelque chose qui un jour peut disparaître brutalement, définitivement. et alors on en a une lourde nostalgie. donc, c’est bien, tu as bien rigolé entre amantEs des chats et ça c’est précieux.

  6. Le beau chat gris a décidé de mourir seul ,c’est bien triste et je partage votre chagrin.Nous n’avons aucun pouvoir sur la mort des êtres aimés mais nous avons la chance de pouvoir garder en nous les plus beaux souvenirs partagés ensembles, même si ceux ci ont été éphémères.
    Le Beau Gris repose sur son lit de feuilles et comme vous le dites si bien, son âme légère veille sur la maison. Le moment venu, vous ferez ce qu’il faut pour lui.
    Très nostalgique, ce post mais entrecoupé de belles photos colorées, tout cela m’a émue.
    Je vous embrasse , restez comme vous êtes : une fée pour les minous de Syros.

    • ah, doudou, vous, vous avez vu mes photos colorées !!! je cherchais des portraits de ce beau gris, et en déroulant les photos, des images pétulantes me sautaient aux yeux, gaies, solaires. je me disais que cet équilibre que cette salope d’artémis se plaît à faire autour de moi, je pouvais aussi le faire dans ce post funèbre… ;-) alors merci pour votre commentaire. chaque fois que je vais nourrir les chats de dehors, j’ai un pincement au coeur en pensant à ce qu’il y a sous cette bâche, dans cet abri. je ne me trouve pas très respectueuse, mais je n’ai pas la niaque de faire ce qu’il faut faire. je procrastine,,,.

  7. Je suis en larmes en vous lisant, Je voudrais tous les sauver, je suis la mère adoptive de 2 chats noirs, violette la maman et schadow son fils, . Mais ils y a tous les chats qui viennent se nourrir dans les abris au pied de ma cuisine, Je les compte, et 1 manque à l’appel, cela fait 2 mois, et il trotte toujours dans la tête, Qu’est il devenu ? Il y a 2 semaines, Un chat inconnu sur le pas de la porte, je l’ai accueilli , réchauffé, nourri, après 2 jours , il n’avait plus envie de vivre. Je ne sais pas où vous trouvé cette force….

    • triste pour le chat qui a renoncé à vivre. mais au moins, vous étiez là, et lui avez donné un moment de sérénité : un abri et à manger. c’est ça qui compte. vous imaginez, sans vous ? quant au chat manquant, oui, les disparitions sont en même temps moins déchirantes que les morts, mais plus obsédantes. j’ai cherché comme ça tellement de chats, lucette, agathe, saint-suaire, pour ne citer qu’eux. quoiqu’il en soit, il nous faut porter nos forces vers UNE chose, une : la stérilisation des chattes ET des chats autour de chez nous. peu, mais heureux plutôt que plein mais dans la peine et l’angoisse. courage grégoire !!

  8. Oui ici en belgique la stérélisation est obligatoire, j’habite près de la société protectrice des animaux de liège, il stérilise gratuitement les chats errants. De quoi avez vous besoin en premier ?

    • bon, je suis pas une fan des trucs obligatoires. ça a son côté chine-enfant-unique qui me terrifie un brin. même si je suis pour. mais c’est vrai que c’est la seule solution. je vais devoir m’y mettre, j’ai une sacrée bande de minets à faire stériliser, déjà ceux de dedans (monostou, champi, clotaire, clotilde, picoulet du doigt, picoulet de la tête et picoulet de partout – plus les squatters que j’arriverai à attraper), mais surtout les chats dehors. ça, c’est vraiment un gros gros calvaire de stress, d’organisation et une grosse dépense.
      de quoi j’ai besoin en premier ? à part de tout ? non, je plaisante !!! je vous embrasse, christine !

  9. Je suis déçue moi aussi de n’avoir pas été là…
    Un peu de shopping de Noël avant les fêtes, puis deux jours chez mes parents qui n’ont pas internet, puis tracas avec la voiture, appel du dépanneur et lourde addition encore… enfin, bon, les bons moments et les misères ordinaires…
    Ne culpabilise pas, ma Sylvie… Tu fais ce que tu peux et ce que tu peux, c’est déjà énorme… Si ce chat avait voulu disparaitre près de toi, il en aurait fait la démarche… Il a choisi le camouflage, la solitude, la liberté… C’est assez grandiose et je pense qu’il est parti heureux, heureux de te connaître, d’avoir découvert ta main généreuse, d’avoir goûté à tes câlins, tout en préservant sa liberté chérie… C’est elle qu’il a choisie en pensant à toi…
    Mille bisous

    • c’est vrai que ce qui caractérise mon « refuge », c’est l’absence de contraintes. c’est le « choix » du chat qui prime : s’il veut que j’intervienne, il sait où me trouver. bon, avec les chats très sauvages, je pense qu’ils n’envisagent que très très rarement de venir se poser à mes pieds en disant « help, je suis malade, soigne-moi ». par contre ce beau chat gris n’était vraiment pas farouche – ce qui m’a fait hésiter à le prendre comme chat-de-dedans. s’il avait voulu… tu dois connaître : devant ce genre d’événements, par moments tu raisonnes a posteriori positivement, et à d’autres, ça te tombe dessus. je t’embrasse brigitte !

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