Post confinement -2-

La lumière joue merveilleusement avec cette maison si foutraque, orientée nord-est sud-ouest.  Ainsi, le matin, en décembre, le soleil se lève juste au-dessus du minuscule ridicule petit triangle de mer visible d’ici au bout de la vallée et illumine ma pièce à vivre depuis la seule porte, à l’est, que j’utilise l’hiver (l’autre, nord-est, je la condamne, avec force ruban adhésif bien collant et bien large dedans et dehors et bourrelets en mousse… comme toutes les fenêtres, parce que, comment dire, l’huisserie est d’époque !).

Décembre

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Et en juin, bientôt l’été, le jour le plus long, le soleil émerge et plonge dans la maison depuis cette porte fermée tout l’hiver, tape perpendiculairement à ma fenêtre home-made (celle en photo ci-dessus, que j’ai ouverte pour justement faire circuler la lumière), et c’est tout un autre univers de photons fêtards qui laissent encore ma chambre en contre bas dans le bleu de l’aube glauque, mais attire irrésistiblement le sourire dès lors que je monte mes 3 marches…

Juin

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Avec l’âge, et je crois comprendre qu’on est pas mal comme ça, je suis devenue hypersensible à la météo, à la lumière : les  jours gris ici sont horribles, car le gris se marie tristement aux verts de l’hiver insulaire, le mix vert des oliviers avec gris des nuages donnant une lumière parfaitement démotivante. Et, en tout cas l’hiver, je regrette mes alpages scintillants de lumière lorsque le soleil danse sur la neige. Par contre, maintenant par exemple, mon frère vient de m’écrire que c’est un petit (tout petit) 3° le matin, en juin, bientôt le jour le plus long, et là, franchement, je ne regrette rien, non, rien de rien….

Je suis allée à la plage deux fois, baignée une fois : cette fois-là. On sortait d’une canicule de mai assez éprouvante, et sur ma plage à 10′ de Santoriniou, on trouve une sorte de petit bassin, un creux entre un gros rocher et la plage, qui fait comme une baignoire. Canicule + baignoire = eau à plus de 20°, j’achète (sinon, je n’ai pas le droit de me baigner)

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Par contre ce jour-là, pas question de tester la grande bleue. Et les 2 fois, je porte le masque donné par ma si merveilleuse et douce et maternelle et jolie pharmacienne, Nadia, comme il se porte sur l’île (et il me semble assez généralement en Grèce, on se demande comment ils ont fait pour contrôler aussi bien la bestiole), c’est à dire… sous le nez !

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En revenant, petit arrêt photo : c’est le seul endroit à ma connaissance où les gens ont chaulé le dessus des murs sillonnant la colline, cela fait comme un réseau brillant, c’est très joli. Par contre, mai, on croit que c’est encore vert…

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…mais il suffit de regarder le même paysage avec un filtre, et on voit que c’est déjà bien cramé.

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Dans le jardin de Fifis, mon proprio, les branches portant les futures grenades entremêlées à la vigne…

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…et des citrons, encore des citrons, et aussi des fleurs de citronnier (ah dieu du ciel, cette odeur…encore plus merveilleuse que celle des orangers), et il y a aussi un figuier, un laurier, des bigaradiers, et même un olivier.  Plus je vieillis, plus je SAIS que l’arbre est une bénédiction et que les couper est un péché inexpiable…

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Voilà une chope-mug-verre comme je n’en ai jamais vu dans les septentrions, la paille est vendue avec, munie d’un petit anneau fixé autour de la partie à l’intérieur, le couvercle se ferme bien hermétiquement, et c’est un joujou extrêmement pratique, pas de mouche noyée dedans, et si un chat la renverse, ce n’est pas trop catastrophique. Je me fais des boissons qui décoiffent, par exemple une casserole de thé bien corsé, du gingembre râpé, deux ou trois citrons du verger, du sucre muscovado (je suis dingue de ce seul sucre, j’en boufferais à la cuillère), de l’eau, des glaçons, et je tète sur ma paille toute la journée…

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La maison foutraque a beau être posée sur une falaise de marbre, elle est suffisamment mal foutue pour prendre l’eau qui s’infiltre dans les épais murs en pierre côté nord et est. Et cela fait des années que je cache des pans entiers de surfaçage (je ne sais pas si c’est le bon mot) en ciment humide en train de s’effriter avec des planches, du papier kraft scotché au mur, bref, que je me voile la face, en essayant de protéger toutefois la tripaille de l’ordinateur (une tourelle posée par terre pile poil où ça s’effondrait le plus). Mais c’est quand même un peu flippant de vivre avec ces murs à nu, faits pas mal à l’arrache (pas mal de circulation d’air, du remplissage en terre pas très colmatant), d’autant plus que c’est un paradis pour les scolopendres cingulata… Et Mark, mon sauveur et ami de Papouri est venu s’occuper de tout ça. Enfin, du plus gros. Je procrastinais à mort, parce que j’imaginais déjà les gravats, de la poussière partout, et puis le chaos de tout mon foutoir, les chats par dessus tout ça, affreux. Donc « ah non merci, pas aujourd’hui, plus tard » ai-je protesté faiblement… Mais il était là, avait amené du ciment, des outils, j’avais du sable, des récipients, et il a fait ça tout tranquillement, sans rien foutre en l’air, avec un minimum de poussière…

Je n’ai pas pensé à photographier le pire. Mais voilà comme ça se présentait… Vous imaginez le son bien creux des parties autour pas encore effondrées.

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Le mur réparé derrière le divan

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Le mur derrière l’ordinateur. On voit à gauche où j’avais mis le papier d’emballage scotché, ça a arraché la peinture (derrière le papier, j’ai entendu plus d’une fois des « scraaaatch scraaaaaatch crr crr crrr » tout à fait scolopendreux, je dois avouer). Tout le (???? je suis allée chercher comment on nomme ce qui recouvre un mur en pierre, mais je n’ai pas trouvé, sauf *enduit*) est parti le long du mur, pas à hauteur du sol dedans, mais à hauteur du sol dehors. M’est avis qu’un drain ne serait pas de trop….(mais c’est un problème très très banal, je pense, en tout cas ici, en Grèce, pour les maisons foutraques)

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Mark, un pinceau, l’enduit

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Rien à voir, mais j’imagine que vous savez à quel point les fleurs de câpriers sont belles, mellifères, odorantes ?

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Donc, la jeune oie pas blanche ostracisée par les deux autres, et qui niche plein sud, plein cagnard, comme s’il n’y avait pas des MILLIONS d’endroits plus confortables, plus à l’abri du soleil… Franchement, elle m’énerve ! Là, sur la photo, elle a quitté un instant son nid, elle est affolée de me voir et court comme une folle vers ses oeufs – et depuis, je ne l’ai plus jamais vue ailleurs que posée sur ses oeufs, je ne sais pas combien il y en a à ce jour (7 quand j’avais photographié le nid, et il y a bien longtemps…) : impossible de lui en prélever quelques uns, et inquiétude de ne la voir ni manger ni boire. Je lui pose tout près des feuilles de laitue, elle souffle comme une vipère, et les intègre au nid, elle ne touche pas au mélange que m’a donné pour les oies le père de ma vendeuse de bouffe-animaux préférée (elle s’appelle Fani, il s’appelle Joseph), et je me demande si je ne vais pas lui casser son coup et son nid, pour l’obliger à s’installer ailleurs : là pour l’instant, il fait encore une chaleur raisonnable, même plein sud. Mais d’ici pas longtemps, cette partie sud de la maison deviendra un vrai four, et je crains pour la vie de ce bestiau…

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J’ai lu sur plein de forums genre « moi et ma basse-cour » que les oies, c’est purement végétarien, et même pas tout, mais ça broute que de l’herbe, point. C’est bien un truc du sud-ouest. Les miennes, au fur et à mesure que l’hiver pluvieux (et donc herbeux) passait et devenait printemps sec (et même sécosse archi-cramé), elles sont passées de l’herbe aux fleurs d’oxalis (jamais les feuilles ni les tiges), avec un passage obligé aux écuelles de croquettes pour les chats de dehors, elles m’ont totalement dévasté plusieurs fois les plantes en pots (menthe, origan, oxalis roses, pervenches de je sais plus où, géraniums, etc. – mais je ne suis pas sûre qu’elles mangeaient ce qu’elles arrachaient), l’an passé, en plein été, il me semblait qu’elles ne crachaient pas sur les escargots planqués pour l’été (idem d’Alitheia : elle croque les escargots scotchés le long des tiges de fenouil ou de mauve, ensuite elle secoue la tête : donc je ne sais pas si elle joue à les arracher des tiges, ou si elle les mange), et il m’a semblé voir Martina l’oie blanche et sa vieille pote (elle, elle niche dans la maison des oies bricolée par Mark, et parfois je les trouve les deux dedans, côte à côte – mais Martina ne fait quasiment plus d’oeufs, et quand elle en fait un, elle le pose vraiment n’importe où, qu’elle recouvre avec du feuillage) manger parfois (rarement) le mélange donné par Joseph (maïs concassé, blé, et je ne sais pas quoi d’autre). Bref, je ne suis pas sûre que les oies soient si herbivores que ça… Mais bon, elles ont droit à une grosse laitue par jour, au mélange de Joseph et aux croquettes des chats, un baquet d’eau + la petite piscine : qu’elles se démerdent. Elles sont libres, même si elles préféreraient vivre ailleurs je suppose, dans une prairie toujours verte.

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Mais bon, un oeuf d’oie, c’est vraiment imposant !

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Cadeau de Roudi. Les chats, c’est souris, sauterelles, oiseaux. Roudi, je ne sais pas où il les trouve, mais c’est osses. Et là, il m’a ramené vraiment un OVNI… J’ai fini par montrer les photos à mon vétérinaire, Ghiorgos, il hésitait, et quand je lui ai suggéré cochon, il a dit ah oui. Le côté OVNI, ce sont ces canines (?) triangulaires, dentelées, ovales et pas rondes à la base, et ces incisives creuses !!! Mais quand même, le « groin » est presque encore visible. Un porcelet probablement.

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Comme annoncé dans le post précédent, voilà une sauterelle, mais pas une quelconque sauterelle, une SSSSauterelle… Une merveille, bien planquée dans la hoya carnosa, et pour elle aussi comme pour la petite araignée poilue à longues pattes, ça vaut la peine de cliquer sur les photos pour agrandir l’image.

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Je me dis que cette tête, il y a du camouflage là-dedans : ces antennes qui partent directement en parallèle depuis les yeux, du coup, par en dessus, on ne voit absolument pas le reste, si on s’en tient à la seule tête.

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Avec ce liseré jaune si chic !!!

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Des antennes bien plus longues que le corps, des pattes interminables. Pas trouvé son petit nom en faisant une recherche Gogole images, par contre j’ai trouvé la différence entre « criquet » et « sauterelle »* et elle, c’est une Super Super Sauterelle. Pour elle aussi, je vais devoir aller me faire voir chez les entomologistes fous.

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Une petite réunion d’images que les deux intéressées reconnaîtront pour leur part.

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Bien, on avance dans le moi de mai, hem, le mois de mais, prochain post au prochain coup ;-)

 

 

11 thoughts on “Post confinement -2-

  1. Oui, de plus en plus sensible aux couleurs du ciel, aux températures, aux changements de direction du vent, aux odeurs… Donc, avec toi, GÂTÉE !
    Quelle balade ! Tes photos sont régalantes : le gros plan sur l’oie rétive est superbe !
    Et oui, l’odeur des fleurs de câpriers et leur beauté aussi.
    Quant à ta Super sauterelle, son chic n’a d’égal que la sûreté de son camouflage !
    Merci pour la visite.

    • hein elle est belle ma sauterelle (dans une réponse à un commentaire de catherine sur cette page, tu verras comment elle s’appelle…) ??? tu remarques aussi son camouflage. en fait, ce à quoi elle ressemble le plus c’est à la LANGOUSTE, ou l’écrevisse, et même à la crevette. par contre, je vois pas du tout, si j’en crois ce qu’en disent les évolutionnistes, à quoi peut bien servir ce camouflage précisément, à savoir pour une sauterelle le fait de ressembler à un crustacé… mystère des cathédrales.

  2. Bonjour Sylvie,
    Je lis toujours avec beaucoup de plaisir votre blog : épisodes de vie, humeurs, vies de chats, de chiens, agrémentés de superbes photos !
    Je viens de regarder celles de la sauterelle : on dorait la grande sauterelle verte, non ?
    Bonne soirée, et caresses à tous les minous-toutous et autres oies ! ;)
    Catherine

    • Phaneropteridae, Acrometopa servillea italica – mais étant donné les photos que j’ai vue sur la galerie de insecte.org, je lui donnerais volontiers du graeca. tout ça pour dire que non, c’est pas du tout une Grande Sauterelle Verte… que toute mon enfance j’ai apprivoisées dans mes alpes : simple (mais fallait trouver): on les maintient fermement mais sans les blesser par le torse (parce que ça mord très fort pour se défendre), on se met une goutte de lait condensé sucré sur le doigt qu’on présente à ses mandibules, et on se fait une copine à vie (de sauterelle). j’en ai gardé une comme ça tout un été, elle restait sur le volet extérieur, et attendait son petit dej !!! je me baladais avec sur la tête, sur l’épaule…
      merci pour votre aimable commentaire !

  3. Ton histoire de grande sauterelle verte apprivoisée me fait bien rire. Me rappelle Marcel Aymé et son araignée qui venait boire dans son bol de chocolat..
    Elle n’a pas l’air commode la petite oie pas si blanche que ça. Elle a eu un jars pour féconder ses noeuf-noeufs?

    • mais non ! le jars a été massacré l’an passé par un chien errant, et cette oie furieuse est la seule et l’unique fille du bel oiseau. et ça y est, elles ne font plus d’oeufs. celle-ci et l’autre grise s’obstinent à couver, mais c’est toujours le même nombre d’oeufs.
      pour mes grandes sauterelles vertes, c’était « dans le temps ». mon frère qui vit encore là-haut me dit qu’il n’y a pratiquement plus de ces sauterelles, ni de sauterelles ou criquets du tout d’ailleurs. l’écocide continue, c’est clair avec les insectes. pourtant, juste cette année, c’est fou le nombre d’orthoptères (criquets, sauterelles) qu’il y a. et quasi pas de hannetons.

  4. C’est toujours aussi agréable de te lire. Bon je serais incapable de vivre comme tu vis mais j’admire… Transfère moi chats chiens oies en pays tempéré, garde tes scorpions araignées et autres bêtes qui font peur et je pourrai peut-être mieux me projeter ! Mais pourquoi un masque quand tu vas seule à la mer ? En plein air il n’y a pas de risques, si ?

    • le masque c’était pour rire !! merci pour ton appréciation.
      si, dans le temps, on m’avait dit comment je vivrais, j’aurais rigolé, « moi jamais ! » mais tout arrive…
      le truc c’est que ce serait tellement plus facile à vivre si je pouvais me barrer de temps en temps quelques jours, juste pour goûter le autre chose, ailleurs, autrement…

  5. Je découvre ton dernier récit un peu tardivement… Gogole me les pose n’importe où… comme ton oie le fait pour ses oeufs…
    J’avoue t’admirer de pouvoir vivre à la dure comme tu le fais… et c’est toujours aussi plaisant de lire tes observations… aussi bien animales que végétales…
    Bises.

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