Que cette année est difficile. Entre le manque d’argent (même si la subvention de trois mois de la Fondation Brigitte Bardot est un immense soulagement), l’usure pure et simple (pas un jour de « pause sans chat » depuis décembre 2012), et les morts et disparitions de chats aimés, je dois avouer que les moments que j’arrache à mon quotidien pour aller faire la phoquesse dans la grande bleue sont des moments vraiment vitaux. J’en sors les jambes tremblantes, les doigts frippés, mais pendant une heure ou deux, je me sens loin, très loin (et je vais assez loin aussi). Hier, pas de vent, pas de vagues : et l’eau par en-dessous, par la grâce de la vision dans le masque, ressemble à un miroir mou et moiré de lumière. D’immenses bancs de jeunes alevins argentés, quelques concombres de mer, de jolis poissons multicolores, hélas bien rares, une superbe étoile de mer pleine de piquants.
Mais ancré dans la baie, un énorme yacht qui barrait le paysage, deux couples de gros bourges grecs moches et gras se hurlant des histoires qui semblaient très drôles, leur esclave pakistanais ou indien à dresser la table et servir – et faire la bouffe je suppose, mais ça c’était hors champ, et de la musique, je vous le donne en mille, « Capri, c’est fini » et les Beatles… Bien fort, venant polluer le crissement des cigales, le léger « floc floc » de la mer sur les petits galets, et le silence délicieux de cette plage. Sous l’eau, on n’entend rien, mais à peine sortie, je me suis enfuie. J’ai décidé que, s’ils sont encore là lorsque j’y retournerai, je monterai à bord, je m’installerai dans un fauteuil, et je leur dirai que, puisqu’ils m’imposent leurs pollutions visuelle et sonore, j’impose ma présence… J’ai fait ça une fois, à Genève, des voisins du dessus bruyants, des basses à décrocher les molaires, impossible de dormir. Je me suis habillée, maquillée, et je suis montée m’inviter à la fête : « Puisque vous m’envahissez, je m’invite ». C’est très efficace, non-violent, et stratégique.
Avant-hier soir, Cousin est mort. Pénible. Agathe est toujours portée disparue, et sa soeur Méli est passée hier l’air totalement paniqué, bavante, haletante, les yeux à moitié fermés. Le temps que je m’habille pour l’amener chez le vétérinaire, elle avait disparu. Pas vue ce matin. Elle aussi morte ? Agonisant quelque part ? Ou c’était simplement un coup de chaleur ? L’oreille de Léa commence à sentir très très mauvais, et je vous épargne la photo. Bref, avec 100 chats, je cours statistiquement le risque d’avoir tous les jours « quelque chose »…Mais ce qui me déprime le plus, c’est moi, parce qu’au lieu de rendre grâces au monde, je passe la journée à serrer les dents (que je perds, d’ailleurs) en me récitant comme un mantra « TENIR ! ».
J’ai essayé d’expliquer à mon amie de l’île en face que ce qui me manque en ce moment, c’est non pas de pouvoir discuter ma situation du point de vue psy (je crois que ça fait peu de doute pour une majorité de gens que je suis cinglée – le problème étant que je m’en fous totalement, je ne me sens pas assez essentielle au monde pour m’en préoccuper) mais philosophiquement – le sens de la vie, la confrontation à la mort, à la souffrance, le sacrifice, le destin, tout ça tout ça.
Bon, quelques images commentées, quand même !
Dimanche, avant réception de la commande :
Après :
Ce matin, vers 7h, cette petite jolie salade de maman-chatons…
Le soleil se lève :
Un chat guette depuis la citerne communale :
Petite toilette matinale… Des heures ça lui a pris, de se nettoyer la patte !
Autre petit nettoyage du matin, position du violoncelle couché :
Julie en train de dormir quand tout le monde s’agite autour d’elle
Mon Monostou, toujours la larme à l’oeil, et qui devient à son tour un beau grand jeune homme chat :
J’ai toujours des seaux pleins d’eau un peu partout autour de la maison (que je remplis à ras bord tous les jours, de peur qu’un chaton tombe dedans et s’y noie…) :
Une image, qui cristallise toutes mes angoisses d’arachnophobe ! (j’ai fait la photo, puis je me suis précipitée chercher des ciseaux pour couper la tête à cette malheureuse sauterelle, dans laquelle l’épeire plongeait ses chélicères avec enthousiasme et avidité)
tenir, dit-elle …
beau programme et puis…
« les chants désespérés ne sont-ils pas les chants les plus beaux ? »
Très beau texte qui me rend triste… Quand je vois dans quel état je me mets pour le Rouquin du jardin qui boîte (et qui a disparu depuis hier), j’imagine ta vie en multipliant par cent mes soucis de mère adoptive d’une chattounette heureuse, et nourricière de deux autres chats mâles qui se disputent la bouffe et le territoire.
Tiens bon.
Oh ma Sylvie, comme tu me rends triste, moi qui n’ai pas un moral d’acier non plus en ce moment… Du coup, j’aimerais tellement tout plaquer et être avec toi à Syros dans la nature et les chats ! Tu prends tout trop à coeur… je sais que ce n’est pas facile, des chats j’en ai trois, et rien que trois c’est déjà du boulot… Tu as raison, si tu peux, essaie de voir un psy, ou au moins, essaie d’avoir un traitement pour tenir… Et tu sais, il faut tenir jusque l’année prochaine en septembre, je viendrai te voir avec ma fille, je resterai un peu avec toi si tu le permets, et on te donnera un coup de main, un coup de coeur et un coup de bonheur !!! Alors tiens le coup, surtout… Je t’envoie de gros gros bisous, dis toi que tu es une personne extraordinaire ! Ca c’est indéniable ! Et il y a un sens à ta vie, ce que tu fais est formidable, tu as beaucoup de mérite… Et on t’aime !!!! Bisous
deux fois, que je lis votre texte et deux fois cela se termine en larmes..Cela ne va pas Sylvie..?. je sais que la vie est dure, mais vous avez eu beaucoup de courage jusqu’à ce jour… Que se passe t-il dites moi..? je suis inquiète.. est ce que les dons rentrent toujours malgré l’aide de BB… Il est certain qu’avec 100 chats, chaque jour, n’est que douleur et souffrance… inquiète, vite écrivez moi.. Je vous embrasse… très très fort… Anne-Marie
Tes derniers écrits me laissent triste & inquiète … je t’envoie une bouffée d’oxygène & d’amour de France, le soleil tu n’en manques certainement pas … Je t’avais suggéré de contacter l’asso° Les Gamelles du coeur. Peut-être une aide à envisager de leur côté … Quant à Toi, forza !
merci toutes et tous ! dés-espoir, comme renversement de l’espoir, non, c’est trop fort. mais incontestablement une usure, une lassitude très très dures à « travailler » pour en faire quelque chose de positif. en ce moment, plein de gens autour de moi qui s’apprêtent à partir voir ailleurs comment c’est, et je les envie : le simple fait de pouvoir prendre le ferry et de me poser une semaine sur l’île en face me soulagerait durablement. imaginez : la même chose, tous les jours sans UN jour de pause, depuis décembre 2012…
et puis ça me plombe le moral, cette oreille de Léa. ça lui fait mal, j’ai pas l’impression que le gui fasse grand-chose, et l’idée de faire euthanasier cette magnifique créature tellement chouette à vivre à cause de cette tumeur… si au moins ça métastasiait. mais non, ça reste là, à l’oreille, et ça empire.
bon, je veux pas vous saloper l’humeur, et puis les cigales fêtent la chaleur, et quand je suis à la plage à faire la phoquesse, je vous promets que j’y suis heureuse !!!
Je n’aime pas savoir que les chats souffrent… je te suggère l’euthanasie… si la tumeur empire…
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