Rien à voir avec les chats, tout à voir avec ma présence en Grèce. Donc quand même un peu à voir avec les chats !
Je ne vais pas revenir à mon désir de dieux antiques (http://cafemusique.wordpress.com/2010/11/29/%CF%80%CE%B9%CF%83%CF%84%CE%B5%CF%8D%CF%89-je-crois/)
C’était il y a quelques jours, un jour peu accueillant, venteux, de ce vent du nord glacial qui fait hésiter à aller se baigner. Mais on sent bien, à la fraîcheur des nuits, aux plantes qui recommencent à pousser après leur repos estival (l’île change de couleur, d’un jour à l’autre plus verte), à la brièveté des jours, que ce sont les derniers jours probables de plage : peut-être que demain, il fera vraiment trop froid ? Il pleuvra ? Un gros beaufort 10 qui refroidira définitivement la mer ? Alors malgré tout, on va à la mer. Enfin, j’y vais, car je me suis retrouvée toute seule à Arméos. L’eau était infiniment plus chaude que l’air, et comme une grosse otarie, avec mes appendices humains (masque, tuba, palmes), j’ai beaucoup joué sur et sous l’eau, retardant le plus possible la sortie. Qui s’est faite en courant, glaglagla, étrillage avec le linge de bain, Tshirt, et je me suis recroquevillée derrière un de ces petits murets construits au fil des années par les touristes pour se protéger du vent, bien à plat pour pas donner prise au vent, avec mon bouquin et mes lunettes de vieille.
Soudain, une femme sur le chemin. En petite cotonnade légère, beige à fleurettes roses, et sandales. Seule et mains vides. Elle passe vers moi sans me regarder, elle marmonne pour elle je ne sais quoi. Elle avance au bord de l’eau, retire sa robe diaphane, dessous elle porte un ensemble slip-soutien gorge mauve, qu’elle ôte également, et elle pose un galet sur le petit tas d’habits. Ses sandales à côté. C’est une femme d’une cinquantaine d’années, les cheveux courts et bouclés d’un blanc magnifique, les yeux noirs, un corps vieilli légèrement hâlé, les fesses qui tombent un peu, des seins lourds. Mais belle, bien musclée. Et elle entre dans l’eau sans hésiter, plonge, et d’un beau crawl, nage tout droit dans la baie. Quand je pense à ma valse-hésitation pour entrer dans l’eau, aux strates d’habits dont j’ai besoin à cause du vent froid, à tous mes joujoux de plage, bouquin, bouffe, lunettes, eau, vapote, etc., elle, non.
Au bout d’un long moment, je la vois revenir vers le rivage, fendant les vagues, le même crawl élégant. Elle sort, toujours complètement « ailleurs », ou tellement là qu’elle ne voit rien, en tout cas pas moi, qui la regarde attentivement entre mes rochers protecteurs. Encore toute mouillée, les cheveux aux pointes un peu humides, elle remet son soutien-gorge, passe sa robe, enfile ses sandales, ramasse son slip dans le sable, et repart par où elle était arrivée, slip à la main, d’un pas rapide, et comme ça, tout droit vers le chemin. Le vent souffle fort, il est glacé, et cette femme est juste passée, comme un rêve dans cette réalité bassement météorologique.
Et soudain, mon cœur bondit, je réalise : c’est Aphrodite vieillissante. Cela semble ridicule, mais ce sont justement les dieux grecs que je cherche en Grèce, alors cette rencontre m’émeut vraiment. Elle est venue de Chypre, et se balade dans sa Grèce si malheureuse.
Il y a un lendemain. Moins de vent, bien plus chaud. Je descends sur la plage, et je revois « mon » Aphrodite vieillissante, accompagnée d’un type, les deux en train de discuter, les fesses au soleil. En français ! Mon petit coin pour bronzette et lecture n’est pas loin d’eux, je les salue, et ils me saluent en retour. Petite conversation, expat’ et touristes, en fait belle conversation, avec deux personnes fort intéressantes, et lui finit par aller se baigner.
Et Aphrodite vieillissante me raconte ceci :
– Je ne sais pas si vous la connaissez. Je viens ici parfois l’après-midi, mais en tout cas mon mari et moi nous venons tous les matins. Nous arrivons tôt, et tous les jours, au moment où nous arrivons, une magnifique fille s’habille et part. Je ne sais pas si nous la dérangeons, ou si elle doit partir à ce moment-là. Vous ne voyez pas qui c’est ? Elle doit arriver bien avant nous ! Une très jeune femme, avec d’immenses cheveux noirs et bouclés, qui lui tombent sur les reins ? Vraiment une très belle créature. Parfois elle semble méditer sur le gros rocher en regardant la mer, on la regarde un instant depuis le haut du chemin, elle ne bouge pas, juste assise en tailleur à regarder le large. Et dès qu’on arrive, elle part, sans un mot. Vous ne l’avez jamais vue ?
Ne venant jamais le matin aussi tôt, non, je ne l’ai jamais vue. Mais je sais qui c’est…
D’une Aphrodite à l’autre.
continue d’écrire, ça fait du bien, Aphrodite’s child …
Très beau texte … Je ne sais pas pourquoi, tes récits me font penser à notre terre-mère avant l’apparition des humains, qui sont en train de la détruire… La terre, juste peuplée des dieux de la Grèce antique. Merci, Zozoulinette…
Rhââââââ@@@@@@h … lovely ;o)
Je suis sûre qu’ils voient Aphrodite. Tu devrais faire un effort et te lever plus tôt le matin (je sais, y’a les chats)…
merci cher et chères vous !!!!!!!!!!!
artémis, pan, apollon et aphrodite…
Ce texte est magnifique, c’est exactement ce style que j’aimerais avoir… C’est exactement ce que j’aime, c’est entre Colette et Le Clézio… Franchement remarquable… on a envie de susurrer les mots… des les garder en bouche comme des acidulés, c’est du grand grand art… je vous félicite humblement…
polymnie devait être au clavier. comme on dit dans ma famille, des compliments pareils, ça remonte les seins !!!! merci ;-)
Moi je veux le reste du roman. Tu peux pas t’arreter là.
;-)
dès que je suis moins au taquet, moins souci ! et il y sera sûrement question de l’Omphalos, mon nombril (du peuple)