Après avoir lu les commentaires sur ma première journée à Tinos, j’ai l’impression rigolote d’emmener maintenant dans mon sillage des lectrices et lecteurs attendant cette deuxième journée… et toujours à bord de la fusée carrée et verte de Claude qui conduit avec enthousiasme son petit 4×4 aux roues énormes et insensibles aux cailloutis des petites routes de cette île, qu’elle connaît par coeur.
D’abord, une devinette : qu’est-ce c’est ?
Ensuite des arbres, encore des arbres, plein plein d’arbres. Leur absence sur Syros, c’est ma plus profonde frustration. Je pense que l’arbre fait partie de mon ADN, j’en suis même persuadée, et parfois je pense que j’étais arbre dans une vie précédente, en tout cas je souhaite en être un à ma prochaine. Il m’est arrivé, avant de vivre à Chroussa qui est la zone « verte » (hahahaha) de l’île, de pleurer d’émotion en m’installant sous l’ombrage d’un merveilleux verger de citronniers, tellement cela me manque. Sans oublier que mon prénom, Sylvie, bois, bosquet, forêt en latin (silva, ae) me colle au karma de manière parfaite. Et là, à Tinos, j’ai vraiment été gâtée !
Les chênes, ah les chênes de Tinos. Ce sont des Quercus ithaburensis* (Valonia oaks), mais pour l’instant sans glands, d’où mon modeste pillage du net pour vous donner une idée de la folie fruitière de ces splendeurs…
Avouez que recueillir plein de ces incroyables glands rastas, ça donne envie de les planter !
Et comme j’ai pour livre-symbiote « L’homme qui plantait des arbres » de Jean Giono (mon exemplaire vit depuis des années dans mon sac de dame, et je le sors dès qu’il y a une file d’attente, ou quelque non-activité de ce genre), Claude m’a promis cet automne de m’en envoyer un bon paquet, que je ferai germer et que je planterai dans ma zone – en priant pour qu’il pleuve… (pour dire, il n’y a à ma connaissance qu’un seul chêne de cette sorte, et d’ailleurs de toutes les autres sortes, sur Syros. Je sais où il est et ne l’avouerai que sous la torture) (et encore) (il faut dire que sur une île essentiellement et historiquement dédiée à la pêche et aux chantiers navals, y naître chêne était un mauvais plan).
Mais pas que ces chênes somptueux. Aussi des platanes, de merveilleux platanes. On a eu une discussion, Claude et moi, pour en déterminer la sorte : pour moi platanes communs, pour elle platanes à feuilles d’érable (ce qui, soit dit en passant, est la même chose, le Platanus acerifolia). En fait, on avait toutes deux tort, c’est le Platanus orientalis**. J’étais totalement émerveillée par ces bosquets entiers de platanes ! Et là, à ma connaissance, il n’y en pas tout simplement pas sur mon île***. D’ailleurs, et c’est ce qui frappe beaucoup les gens qui se baladent sur les îles (quand ils dépassent les limites du village d’arrivée), la flore, qui est très liée aux conditions historiques, géographiques et surtout géologiques (et probablement également la faune), diffère incroyablement d’une île à l’autre. Chaque île des Cyclades est un univers en soi. Et tandis que les tiniotes se reposent au pied de leurs arbres, nous, à Syros, on se fait des tisanes de sauge (pratiquement inconnue sur Tinos).
La photo est mauvaise, en plus très agrandie (mauvaise lumière, arbre en contrebas de la route), mais cela donne une idée. Ce n’est que plus tard durant le séjour que j’ai pu en photographier de plus près.
Et ces tiniotes, en plus d’avoir des platanes, des chênes, ils ont en plus des eucalyptus mammouthesques, de géants tamaris, des oliviers probablement millénaires… Et aussi des saules à osier, des pins, et tout un monde de vrais grands sages, et je ne comprends toujours pas comment on ose les couper aussi facilement (genre 50 ans à pousser – 5′ à tronçonner) (cela devrait être puni pénalement) (voire pire).
La balade continue… Mon séjour à Tinos a été particulièrement venteux, nuageux et j’ai pelé de froid tout le temps, j’en faisais rire ma petite camarade qui est habituée, elle qui vit dans la « montagne », aux frimas de son biotope. Donc j’ai vu de nombreux paysage sous les nuages, voire dans la brume, et parfois même dans le brouillard. Par exemple ces extraordinaires rochers tout ronds (il y en a tout une zone immense vers Volax, constituant un monde de « blocs » qui font baver l’ancienne grimpeuse que je suis), vus dans la brume…
Nous sommes arrivées à Livada. Et surtout, n’y allez pas. C’est moche, inhospitalier, et il n’y a rien à voir… (comme tout le reste de cette ile atroce oubliée des dieux)
Et comme il y avait du vent, que la mer grossissait mais pas assez, on a vu plusieurs surfeurs attendant leur big one, sans jamais la trouver… En voilà un qui a attendu très longtemps THE vague, inutilement. Mais il avait l’air de bien s’amuser quand même. C’est durant le voyage aller vers Tinos, sous un vent incroyablement violent, mais sur une mer pratiquement sans vagues, qu’un marin, alors que je lui demandais à combien de « Beaufort » on était, m’a dit que cette échelle, qui est en fait subjective, mesure non pas le vent lui-même (donné en km/h) mais la hauteur et le type des vagues : et paradoxalement, alors que le vent venait de faire basculer dans la mer plein d’objets de voyageurs imprudemment posés sur les tables extérieures, on naviguait par un petit Beaufort 3 ou 4…
Livada, berk berk, berk, ce sont d’étranges parcours de pierres dans les pierres, des continents figés éternellement croisant des chaînes cristallines…
Où mènent ces sentiers ?
Dentelles de rochers
… qui parfois nous observent silencieusement (à moins que ce soit une baleine fossilisée)…
… ou qui ont placé un bouchon qui ne demande qu’à sauter, laissant béant un trou qui verra se déverser on ne sait trop quoi, en tout cas ce sera blanc…
… qui se moquent de nous en polychrome et nous font imaginer de drôles de choses…
… qui nous montrent le chemin de la volupté des arrondis…
…qui nous racontent des histoires abstraites d’âges géologiques, de confrontations lentes, d’usures élégantes.
Mais Livada (et c’est le pire sans conteste), c’est sa palude…On la voit bien depuis l’autre bout de la plage en route vers d’autres aventures :
Et dans ce minuscule lac vert, un univers de vies animales et végétales qui grouillent et se partagent cette eau douce… dont ce tamaris absolument gigantesque, abreuvé qu’il est jour et nuit d’une bonne eau qu’il doit pomper avec vigueur…
Juste à cet endroit, j’ai aperçu un héron cendré s’envoler vers la végétation qu’on voit au fond. Mais les appareils numériques ont la détente trop longue pour la rapidité d’envol du bel oiseau…
Et, depuis ce monde d’eau douce où règnent la tranquillité et le bonheur de vivre (bon, avant les hordes estivales, s’entend), on aperçoit la mer déchaînée qui s’occupe de mettre de l’animation visuelle et auditive à gros coups de boutoir sur les falaises…
Et des tortues, plein plein de tortues (probablement Mauremys rivulata). Comme vous le savez, la tortue est un animal farouche, surtout celles qui vivent dans l’eau. Un peu comme les crapauds et les grenouilles. On bouge, elles disparaissent, et ce n’est que par ruse qu’on arrive à leur arracher le portrait.
Mais Livada, c’est aussi un environnement extrêmement fragile, aussi bien dans la mer que sur terre… Claude est retournée là-bas une grosse semaine après mon départ, avec notre amie Claire. Comme je l’ai dit sur tous les tons, vous savez que la sécheresse cette année dans les Cyclades est une catastrophe totale. Les millions de touristes n’y verront que soleil et chaleur, un peu de Meltem s’il veut bien souffler, et 5 douches par jour parce que c’est si agréable après une journée de plage. En fait, si Tinos est appellée YDROUSSA, riche en eau, durant l’antiquité, et, avec ses montagnes, a de quoi retenir les nuages et recevoir la pluie bienfaitrice (hem, pas le truc à dire en ce moment pour vous, pauvres septentrionaux…), elle souffre autant que Syros de sécheresse cette année. Et Claude a constaté, pour la 1ère fois depuis qu’elle vit sur l’île, que le petit lac s’est asséché et que les tortues et tous les oiseaux n’ont plus que quelques mètres cubes d’eau boueuse à se partager. C’est tragique, et on n’est même pas encore en été…
Là je fais un emprunt à Claude, sa photo de petites tortues se partageant avec une oie cette boue qui doit être en plus bien chaude.
On a averti une personne de l’association pour la faune sauvage en Grèce, Anima , qui, à moi, a dit que c’était illégal de déplacer des animaux sauvages (à quoi j’ai répondu « même si elles risquent de mourir ? ») et à Claude, qui a téléphoné dans la foulée en faisant la blonde, a répondu de telle manière qu’on a pu en conclure que quelqu’un était sur place et allait s’en occuper… Mais m’est avis que tous les lieux d’eau douce sont en grand danger d’assèchement à Tinos et partout dans les Cyclades, et que ce sera un vrai massacre.
Autre animal en danger, dont on a trouvé un cadavre à quelques dizaines de mètres de la mer, déjà bien momifié, un dauphin probablement dit « commun » (probablement Delphinus delphis)
Mais sur Livada veille la tortue géante de pierre, qui a vu dans son immortalité de statue passer bien des petites tortues et bien des dauphins, des canards, des gens, des pêcheurs et des tempêtes. J’espère que qu’elle veille encore sur ce petit Par…. Oups, Enfer ;-)
Et donc vous avez deviné ce que c’était…
Bien, voilà une partie de ce 26 mai achevé, le reste de la journée suivra, avec de nouvelles aventures…
*pour plus amples informations sur cette espèce très présente en Grèce voir cet article sur la distribution phytogeographique du Quercus ithaburensis (ssp. macrolepis) en Grèce, en anglais
**pour la détermination, voir le post du 28 mai qui sera plus détaillé, avec des photos meilleures et faites à Tinos et piquées sur le net, à des fins de démonstration (oh, je sens que vous brûlez d’impatience !)
***du moins non plantés par l’homme
Non, je n’ai pas deviné ce que c’était ;-)
Bonsoir Zozefine
Merci pour ses longs messages et photos tout au long de nos vies.
Ce 27/MAI c’était l’anniversaire je dirais plutôt le triste souvenir de VEVE. Je pense souvent à elle.
Tableaux à.la maison, celui de ma fille qu’ elle a fait en présence de ta maman. Je dois restaurer car il a beaucoup voyagé.
Parfois je vais sur eBay et lorsque je vois ses dessins à des prix lui permettraient d’ acheter un bon
Cahors. Je râle, peste… Depuis des années je recherche une litho repentant une plantation d’ oliviers en Italie. Cette dernière était le cadeau de naissance à sa filleule. Bien entendu cette dernière a disparu. Je sais que tu es loin de tous ces problèmes entourée de tes mimis. je suis comme toi. j’ aime mes 2 KIKOUYOU et KIKOU qui viennent de Guadeloupe car leur maman est en train de se battre contre un cancer. Là chiens, chats sont tués pour le plaisir.
Bref je vieillis. Quelques problèmes de santé, j’ aimerais en trouver une autre litho si tu as une information je te remercie. Je n ai aucune idée .
Je te remercie très sincèrement et te souhaite beaucoup de bonheur auprès de tous tes amours .
Je pense que tu dois connaître un peu mieux Bernard qui habitait à Montgesty. Papa de Frederik , Goenievre, et Pierre . Il était sculpture sur pierre et autre ….Il est DCD en 99.
Bon courage ma belle et continue à nous faire vivre , vibrer , et rêver
MERCI Claudine
coucou claudine ! contente de te revoir par ici. pour les lithos de vévé, aucune idée non plus, en plus je suis vraiment trop loin pour garder des contacts. moi aussi, j’ai parfois regardé ou sur les sites d’enchères ou genre eBay, et ça me fâche infiniment, c’est dégueulasse, des toiles mises à prix à 50€, quels cons. je peux imaginer aussi que ce type de peintures traverse actuellement le désert du kalahari, mais que les amateurs d’art finiront par se réveiller. trop tard pour elle, mais elle vit à travers ses toiles.
tu te rends compte, j’ai tellement mais tellement entendu parler de bernard, tailleur et sculpteur, et je ne l’ai jamais rencontré. je l’ai vécue à éclipses, mais toute la période saga me reste en mémoire, j’en garde un souvenir absolument magique.
je t’embrasse très fort, et prends soin de toi au mieux.
Pardon pour mes fautes d’orthographe. J’ ai une maladie qui me fait trembler et je n’arrive plus à me servir du clavier normal mais le clavier tactile n’est pas au top.
Claudine
J’aime bien ces endroits minéraux mais la sécheresse détruit tout.
ah ça, cette année, ajoutée à celle de l’an passé, la sécheresse fait peur.
Ah, c’est une mâchoire de dauphin ?
beau beau beau beau !!!!!
merci ma poussine !
Oui, je rêve d’une méharée … si c’est pour retrouver la verdure au retour.
Encore… (malgré l’inquiétude qui monte à la fin)
en fait, le drame s’arrêtera là quant à mon séjour, tout le reste se passera loin des dauphins momifiés et des tortues pétrifiées
Zut, je ne poste pas mes commentaires aux bons endroits et même, que je n’avais pas vu, et pour cause, à la suite des autres, un que je mets en double. Nettoie zozephine ;-)
Intéressant, ton reportage réflexif. Et les photos de rochers, particulièrement, m’ont fascinée par leur beauté.
ouais, il y en a des qui paréidolisent sur les nuages, moi ce sont les rochers ;-) cette zone de dentelles rocheuses est vraiment très belle, effectivment.
Oui, je suis pour une peine très sévère pour les coupeurs d’arbres, enfin, surtout les décideurs.
Merci pour ce reportage.
oui, moi je suis plus radicale. je coupe.
toi et moi dans notre prochaine vie en arbres au fin fond d’une forêt profonde et inatteignable par les tronçonneuses, et qui deviennent vénéneux dès qu’on les agresse.
contente de t’avoir emmené en visite sur l’île de la voisine de l’île en face ;-)
En Belgique, nous avons plusieurs arbres et haies remarquables.
On a même légiféré en ce qui les concerne.
Il y a quelques années, quelqu’un a abattu un arbre, énorme, centenaire ou pluri-centenaire. Si je ne me trompe, le coupeur n’a encouru aucune sanction sinon dérisoire.
Ce qui est étrange, c’est que le Code wallon de l’Aménagement du Territoire, de l’Urbanisme, etc. prévoit comme sanction possible la remise en état des lieux !
Je me souviens de la peine et de la colère que nous avons ressenties quand on l’a abattu.
Quand tu auras un peu de temps devant toi fais un détour par ce lien, femme des bois :
https://reporterre.net/Francis-Halle-l-homme-qui-parle
beau BEAU bonhomme comme tu peux imaginer. et certainement très beau documentaire. je le cite . « Francis Hallé ne cesse de répéter qu’il est de nature optimiste, mais il l’admet : « Je suis horrifié par l’ampleur de la dégradation de la planète dans la durée de ma vie. Que restera-t-il dans quatre générations ? » Ses enfants ont grandi au milieu des forêts primaires tropicales. « Mais mes petits enfants, eux, risquent de ne jamais les voir… » » dans 4 générations combien serons-nous sur une planète en plein anthropocène, à nous partager un habitat toujours plus petit où s’entasseront des milliards de gens chassés par les inondations, la montée des eaux ou la sécheresse impitoyable, les insectes disparus et donc toute la chaîne du vivant qui fait système avec eux, les poissons, les mammifères, dans quatre générations nous n’aurons plus que les fichiers audio et vidéo sur YT pour montrer comment c’était une forêt, des prairies, des alouettes et des hirondelles, des éléphants et des tigres, avec peut-être dans les mégapoles des zoos avec les derniers exemplaires. sans oublier des banques d’ovules et de sperme des bestiaux, et des fermes de graines et de boutures, au cas où, un jour, il nous viendrait une toute nouvelle terre à exploiter. j’espère qu’à ce moment là nous seront assez lucides pour nous tirer une balle dans la tête avant d’aller foutre en l’air aussi ailleurs… et je me sens même pas « pessimiste » en disant cela, juste lucide.
A propos des chênes, ce sont des chênes Quercus macrolepis Valonia ou Quercus aegilops.
c’est bien ce que je dis. je copie : « Quercus macrolepis, the Valonia oak,[1] the old name for Quercus ithaburensis sub. macrolepis. » cf les joies des désignations en botanique.
oui, désolée je ne t’avais pas relue et suivi mon idée…